«Intertempi» est une série photographique sur laquelle je travaille depuis trois ans, elle tente d’établir des rapprochements entre le corps devenu sans vie et la pierre devenue ruine. Ces photographies faisaient d’abord partie d’un projet sur les corps embaumés. J’ai documenté le travail d’une thanatopractrice et j’ai ressenti une sensation de fascination et d’attraction étrange pour ces corps sans vie que j’ai voulu explorer. 
Peu de temps après la prise de vue des « Embaumés », j’ai rendu visite à mon père à Spolète en Ombrie, Italie. En visitant les alentours, nous nous sommes retrouvés à Norcia, une ville très touchée par le séisme qui a frappé le centre de l’Italie en 2016. Là-bas, j’ai été captivé par ces immenses fissures, ces failles béantes, ces débris écroulés à cause de la destruction entière du paysage. 
A mon retour, je n’ai pas pu m’empêcher de constater une évidence de liens entre les photographies de mes corps embaumés prises quelques mois plus tôt et la transformation du paysage italien. Les images en plans rapprochés de ces deux sujets représentent tous deux la fin d’un état. 
Le corps humain lorsqu’il meurt, pourrit, se décompose, se putréfie. Inerte, il noircit. Les lividités sombres présentes sur les corps et dans ces images forment des traces. Le temps continue de marquer le corps malgré la mort. 
Les cadrages serrés de mes images viennent dépouiller les corps et les rendre abstraits. Peu à peu, l’humain s’efface et laisse place à des textures brutes qui n’évoquent plus la vie. La mort est comme un séisme. Ces photographies de ruines que je tente de faire cohabiter à celle des corps portent aussi la trace du temps. On y voit des fissures, des crevasses, des débris. Toutes ces marques reflètent son passage et celui du choc sismique, faisant écho au vieillissement du corps. On y retrouve une esthétique, quelque chose qui n’est plus, une mémoire des territoires, une poétique. 
Cette proposition photographique « Intertempi » tente d’aborder la question de notre rapport au temps et à la détérioration à travers le corps et la pierre. L’articulation de ces deux sujets distincts qui semblent s’opposer mais qui finalement se répondent dans leurs formes, leurs états et leurs histoires nous renvoie au même questionnement de la disparition.
Le détail des instantanés retient, encore quelques instants, la fin ; le cadrage rapproché permet d'introduire la transition et d'étendre différemment le temps.
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